Entre les partisans de Wade et ceux d'Idrissa Seck, le ton guerrier semble n'être plus de saison. Est-ce le signe d'un dégel ? La réponse pourrait être affirmative si l'on se fie à des confidences venant de proches du président de la République.
Si ce n'est pas l'armistice entre Wade et Idrissa Seck, cela en épouse de plus en plus les formes. En effet, de part et d'autre de la "Ligne Maginot", le discours semble être à l'apaisement. Les faucons se sont ralliés aux colombes pour la même cause : rétablir les ponts du dialogue entre Wade et son ex-Premier ministre. Des rhéteurs connus pour leur verbe acerbe en viennent, comme par un coup de baguette magique, à fredonner des chansonnettes qui laissent croire qu'ils ont mis un bémol dans leur ton. S'il en est ainsi, c'est que l'ambiance semble être à la paix des braves. Cela se susurre de plus en plus. Et dans l'entourage présidentiel même, on ne dément pas ce qui n'est jusqu'ici qu'une rumeur. Mieux, on la confirme. Proche du cabinet présidentiel, une source fortifie certains cercles avertis dans leur conviction qu'il y a comme "une main invisible" qui travaille à la résorption du fossé que la "dualité au sommet" avait creusé entre les deux têtes de l'Exécutif.
Plus que la fameuse "main invisible" dont parle l'économiste Adam Smith, il s'agit bel et bien d'enturbannés qui s'investiraient pour le règlement du contentieux entre Wade et Seck. Selon notre source, "il y a des marabouts, amis communs aux deux hommes, qui travaillent au rapprochement entre eux". Le premier résultat de ces missions de bons offices menées en souterrain et sans tambours ni trompettes, serait la comparution d'Idrissa Seck demain, jeudi, devant la Doyenne des juges d'instruction pour être entendu dans le fond relativement à l'affaire d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Si elle a le temps, Seynabou Ndiaye Diakhaté pourra aussi l'entendre pour ce qui concerne le délit de sortie irrégulière de correspondances. Et, selon notre source qui affirme qu'il n'y aura "pas de surprise si le juge procède à la main levée de mandat de dépôt pour ce qui concerne ces deux affaires", le pouvoir est dans les dispositions d'aller dans le sens de l'apaisement noté de part et d'autre. "Pour ce qui concerne le délit d'atteinte à la sûreté de l'Etat, il est possible de le voir libre sous ce chef d'inculpation", renseigne-t-elle.
Pour ce faire, un travail de déblaiement est en train d'être mené. D'une part, il s'agira de convaincre l'opinion que l'atteinte à la sûreté de l'Etat c'est à la fois une intention, des manœuvres et un début d'exécution. Sur ce chapitre et selon des proches du pouvoir, si les deux premières conditions ont été réunies, la troisième - apparemment la plus essentielle - manque pour qu'Idrissa Seck soit encore retenu dans les liens de la prévention. En droit pénal, on parlerait de défaut d'élément matériel de l'infraction.
La seconde partie de ce travail de "démolition" consistera à mettre le ministère public dans le coup, en demandant au procureur de ne pas requérir le maintien du mandat de dépôt. Et le tour est joué ! Du moins, pour ce qui concerne les deux infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat et de sortie irrégulière de correspondances en milieu carcéral. Parce que, précise-t-on, "le président de la République est intransigeant pour ce qui concerne l'argent détourné des chantiers de Thiès". C'est cette affaire qui pourrait constituer un sérieux obstacle à la conciliation des deux positions. Parce que, d'une part, Idrissa Seck nie avoir pris un centime dans les investissements réalisés dans la ville dont il est encore le maire : "Ce que je dis et réaffirme avec une totale clarté, c'est que chaque centime que je possède a une origine propre, claire et licite". Ce qui induit que lui-même veuille qu'un procès public et équitable le blanchisse. D'autre part, les thuriféraires du régime croient dur comme fer que l'ex-Premier ministre est coupable de malversation. "Lui-même (Ndlr : Idrissa Seck) n'a jamais démenti avoir pris de l'argent, avancent-ils. Ce qu'il dit c'est que personne ne peut prouver qu'il a pris". Aussi, conviennent-ils que "si Idy le reconnaît et dépose une caution devant la Haute Cour de justice, rien ne s'opposera à ce qu'il bénéficie de la clémence du président de la République". Et, renchérissent-ils, "si Wade a pardonné aux gens du Parti socialiste, pourquoi ne le ferait-il pas pour Idrissa Seck ?". La réponse à cette interrogation réside dans la capacité d'Idrissa Seck à se faire un hara kiri politique en déposant une caution, preuve s'il en est qu'il est coupable de ce dont on l'accuse. Se fera-t-il violence en franchissant ce grand pas ? Là réside la question.
Ibrahima ANNE (Walf)
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