par PANAPRESS
Les images navrantes de jeunes africains se servant d'échelles de fortune pour franchir des clôtures barbelées dans leurs tentatives d'entrer en Europe ont démontré le désespoir de la génération future d'un continent d'échapper à ce qu'elle considère comme une situation sans issue chez elle.
Mais cette méthode d'émigration peu orthodoxe souligne aussi l'ampleur d'un sérieux malaise africain dans le contexte du tant vanté Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et du peu d'attention accordé par la communauté internationale aux Objectifs du développement du millénaire, particulièrement en ce qui concerne la réduction de la pauvreté.
Jusqu'à présent, les émigrés s'infiltraient par les frontières nord-africaines pour entrer en Europe, particulièrement en Espagne en raison de ses lois plus libérales sur l'immigration, mais ces trois dernières semaines ont a vu des vagues de jeunes Africains, ayant perdu tout espoir dans leurs pays, tenter de s'introduire de force dans les enclaves espagnoles du Maroc.
Au cours de ce processus, des membres des forces de sécurité marocaine et espagnole ont tiré à balles réelles et tué une dizaine de ces immigrés potentiels.
Alors que les autorités des deux pays enquêtent sur ces fusillades, l'Espagne a dû faire appel à des troupes de l'armée portant des armes automatiques pour patrouiller dans les deux villes de Ceuta et Melilla frontalières avec l'Afrique du Nord.
Selon le dernier décompte, 1.500 nouveaux venus africains s'étaient massés dans ces enclaves espagnoles, alors que 500 d'entre eux auraient été abandonnés dans la partie marocaine du désert du Sahara sans eau ni nourriture.
Le Maroc a depuis lors commencé à expulser des centaines d'émigrés vers le Sénégal et le Mali, les deux pays de l'Afrique de l'Ouest dont sont originaires la plupart de ces candidats à l'émigration.
Mais des ressortissants d'autres pays d'Afrique sub-saharienne comme la Mauritanie, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun sont aussi impliqués bien qu'en nombre moins important dans cette folle équipée vers l'Europe.
Il est important de souligner que cette tentative apparemment suicidaire de jeunes Africains ne fait que suivre celle de milliers d'autres, qui ont soit réussi à passer en Espagne ou sont morts.
Des milliers d'autres ont aussi péri dans la Mer Méditerranée en tentant d'atteindre les côtes européennes dans des bateaux de fortune.
Bien que les corps de ces aventuriers au triste sort soient presque chaque semaine rejetés par la mer, cela n'a pas découragé les autres de tenter de s'échapper aux rigueurs économiques du continent.
Cependant, nullement ébranlés, certains expulsés ouest-africains après avoir été littéralement arrachés des griffes de la mort, soutiennent qu'il tenteront encore d'entrer en Europe si l'opportunité se présente.
Sans doute, l'envie désespérée d'émigrer touche toute l'Afrique et tout le Tiers-Monde, dont le personnel qualifié part en grand nombre pour des pâturages plus verts dans le cadre du syndrome de la fuite des cerveaux.
En réagissant aux incidents survenus à la frontière entre le Maroc et l'Espagne, le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi Annan, a invité les Etats membres à appliquer les lois sur l'immigration et leurs obligations de manière humaine.
Mais tout en exprimant sa préoccupation sur ce problème, son représentant spécial pour l'Afrique de l'Ouest, Ahmedou Ould- Abdallah, avertit que la situation d'aujourd'hui pourrait être "insignifiante" comparé à ce à quoi nous pourrions être confrontés dans quelques années."
Selon lui, des dizaines de millions de jeunes en Afrique de l'Ouest n'ont pas d'emplois décents et le fait de réaliser que leurs perspectives sont si limitées dans leurs pays d'origine pousse un plus grand nombre d'entre eux à entreprendre des tentatives désespérées d'émigrer clandestinement en Europe ou en Amérique du Nord.
Alors que le nombre de jeunes au chômage est déjà si élevé et que le taux de croissance démographique dans cette région est un des plus élevé du monde, il a indiqué que le Bureau des Nations Unies pour l'Afrique, basé à Dakar, travaillait avec des partenaires comme la CEDEAO et les organisations de la société civile pour proposer une série de recommandations pour l'emploi des jeunes aux gouvernements nationaux, au secteur privé et aux partenaires au développement.
Pour les milliers de candidats à l'émigration qui ont perdu la vie lors de ces voyages incertains vers la "Terre promise", la recette de M. Ould-Abdallah arrive trop tard.
La triste réalité est que les dirigeants africains ont été si incapables d'améliorer le sort du continent et de son peuple que même si les responsables de la tristement célèbre traite négrière continuent de refuser d'envisager des réparations pour les millions d'Africains arrachés de leurs pays pour l'Europe et les Amériques, une nouvelle génération d'Africains désespérés sont littéralement volontaires pour d'autres formes d'esclavage.
En plus des jeunes qui s'embarquent pour ce voyage mortel vers l'Europe, on assiste aussi à la tendance préoccupante du trafic des enfants ou des femmes africaines pour la prostitution en Europe.
Les officiels marocains et leurs homologues espagnols tiennent actuellement des réunions de crise sur la gestion de ce dernier cauchemar de l'immigration à leurs frontières communes, alors que l'Union européenne a promis 40 millions d'euros pour aider Rabat à rapatrier les intrus.
Le Maroc et l'Espagne ont aussi suggéré une conférence ministérielle euro-africaine sur l'immigration pour réunir les pays africains dont les citoyens se trouvent pris dans cette crise.
Mais une solution à long terme ne devrait probablement pas découler d'une approche consistant à réagir sur le vif ou à jouer aux pompiers, particulièrement alors que le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération a souligné que son pays "accueillait des centaines de nos frères et soeurs d'Afrique sub-saharienne venus par l'Algérie voisine".
A ce propos, il se trouve que la manière de faire face à 200 millions de migrants dans le monde était le sujet d'un rapport étudié par l'ONU la semaine dernière.
La Commission internationale de 19 membres sur les migrations internationales, mise sur pied il y a près de deux ans par M. Annan et un certain nombre de gouvernements, a été chargée d'élaborer une politique pour faire face aux problèmes de la migration.
En recevant le rapport sur "La migration dans un monde interconnecté: Nouvelles orientation de l'action", le patron de l'ONU a reconnu que la migration représentait "un des plus importants défis" du 21-ème siècle.
Ce rapport, qui souligne que la migration "apporte une importante contribution largement méconnue à l'économie mondiale", a recommandé certains principes pour orienter les actions politiques.
Une de ces recommandations est que les "Etats, en exerçant leur droit souverain à décider qui entre sur leur territoire, doivent coopérer les uns avec les autres dans un effort global pour enrayer la migration irrégulière, tout en respectant pleinement les droits des migrants et des réfugiés et en réadmettant les citoyens qui retournent dans leurs pays d'origine".
En fait, c'est le fossé énorme qui existe entre les pays riches et les pays pauvres qui est à l'origine des facteurs de la migration.
A moins que ce fossé ne soit comblé par les deux parties, on verra même les travailleurs qualifiés des pays pauvres devenir aussi déterminés que les personnes sans qualification et les réfugiés économiques à quitter leurs pays quels que soient les obstacles placés sur leur chemin.
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