Ceuta: "Ils ont tiré sur des gens désarmés"
TETOUAN (AFP) - "Ils ont été inhumains. Ils ont tiré sur des gens désarmés". Hospitalisés à Tetouan, Abderrahmane le Guinéen et Ayno le Sénégalais s'indignent de la réaction de la garde civile espagnole quand, avec des centaines d'autres Africains, ils se sont lancés à l'assaut de l'enclave de Ceuta.
Selon un dernier bilan officiel espagnol, cinq immigrants clandestins sont morts et des dizaines ont été blessés, dans la nuit de mercredi à jeudi, en tentant de passer les grilles qui protègent Ceuta, sur la côte nord marocaine. Face à ce petit bout d'Espagne en territoire marocain, de l'autre côté du détroit de Gibraltar c'est Algésiras. Pour ces naufragés de la misère, tous âgés entre 25 et 30 ans, c'est surtout le port de l'espoir d'une vie meilleure. Outre deux morts, tués par des balles de caoutchouc, l'hôpital de Tetouan a reçu jeudi matin 18 clandestins blessés, dont un grièvement atteint, qui a dû être transféré d'urgence, le ventre ouvert, sur un autre établissement hospitalier à Tanger. "Je n'avais jamais vu ça, quelle violence!", confie un médecin de Tetouan qui a accueilli des homme au ventre lacéré par le grillage, d'autres avec des fractures diverses, d'autres encore atteints, selon lui par des balles en caoutchouc ou des "petites billes d'acier". Autour de l'hôpital, un important dispositif de sécurité a été déployé. Selon des témoignages recueillis sur place, les clandestins sont d'abord descendus dans la nuit des collines qui surplombent Ceuta, au passage appelé Oued Daouyate. Après avoir escaladé un mur puis un grillage, les clandestins se sont faufilés par un entrepôt jusqu'au poste-frontière espagnol. C'est là que la "bataille" a commencé. "On a attaqué au lieudit Ben Younech. Nous étions très nombreux et notre attaque a été foudroyante", explique, depuis son lit d'hôpital, Abderrahmane Fadiga, un jeune Guinéen en état de choc. "L'attaque a surpris la garde civile espagnole qui a très vite reçu des renforts. Ils ont tiré des bombes lacrymogènes, des balles en caoutchouc et ont même tiré des balles réelles en l'air", poursuit-il. Sur un lit voisin, Ayno Kan, un jeune Sénégalais, est tout aussi abattu. "Plusieurs d'entre nous ont réussi à franchir le grillage et il y a eu beaucoup de blessés", raconte-t-il, avant d'ajouter: "Ils sont inhumains. Jamais je n'aurais pensé que les Espagnols pourraient faire tant de mal aux africains". Tous les deux, encore traumatisés par la nouvelle de la mort de "compagnons d'assaut", racontent que, comme d'autres, ils avaient déjà tenté passer à Ceuta il y a trois mois.
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